Tout le monde se trompe sur la lettre de Bruce Lee à Bruce Lee.

Bruce Lee avait l’habitude d’entretenir des relations épistolaires avec ses amis. Il leur écrivait régulièrement pour parler de ses projets, de son évolution ou de ses ambitions. La plupart d’entre elles ont même était rendu publique et certaines sont passionnantes à lire quand on s’intéresse à l’histoire du cinéma, les arts martiaux ou tout simplement Bruce Lee [1].

Cependant, en 1969 il écrit une lettre plus importante que toutes les autres, à une personne plus importante que toutes les autres. En janvier 1969, Bruce Lee écrit une lettre à Bruce Lee.

Moi, Bruce Lee, je serai la première star orientale la mieux payée aux Etats-Unis. En retour, je vais offrir la performance la plus incroyable et mon meilleur jeu d’acteur. A partir de 1970, je vais atteindre la célébrité mondiale, à partir de là jusqu’en 1980, j’aurai en ma possession 10 millions de dollar. Je vivrai comme je l’entends et j’aurai également la paix intérieure et le bonheur.

Bruce Lee.

Janvier 1969

Dans celle-ci il y partage ses objectifs. Il se projette 10 ans dans le futur, se fixe pour but d’être une célèbre star de cinéma et de réunir la somme de 10 millions de dollars. Tout ça avant 1980. Malheureusement il décèdera 4 ans plus tard, le 20 juillet 1973.

Je ne sais pas s’il était l’acteur le mieux payé à ce moment là. Ni même s’il avait réussi à récolter 10 millions de dollars. Ce qui est certain en revanche c’est qu’il a réussi à devenir une star mondiale. Ce qui ne lui aura pas pris 10 ans pour le devenir. Quelques décennies plus tard le magazine TIME le nommera parmi les 100 personnes les plus influentes du 20ème siècle.

Pour de nombreuses personnes, le secret de la réussite de Bruce Lee se cache dans cette lettre. Ce qui est le cas. Mais ces mêmes personnes se trompent sur la nature du secret.

Sommaire

Non ce ne sont pas les objectifs SMART, la preuve.

Pour rédiger cette lettre, Bruce Lee n’a fait que reprendre une méthode popularisée par l’auteur américain Napoleon Hill dans son livre Réfléchissez et devenez riche. Dans celui-ci Napoleon Hill invite les lecteurs à rédiger un definitive chief aim statement. Sa rédaction doit suivre trois étapes.

  1. Il faut choisir la somme exacte que l’on souhaite obtenir (10 millions pour Bruce Lee).
  2. Une date butoir (1980 dans le cas de Bruce Lee)
  3. Ce que nous sommes prêt à offrir en retour (I will give the most incredible performances, and give my best acting).

Simple comme bonjour, n’est-ce pas ? Quand on prend un peu de recul, ce n’est finalement qu’une mise en pratique de ce qu’on appelle les objectifs SMART. Pour rappel, un objectif SMART doit réunir plusieurs critères dont :

  • Spécifique : Pas de place à l’incertitude. L’objectif doit être clair et précis.
  • Mesurable : Ensuite il doit pouvoir être mesuré. Seule façon de savoir si on avance ou non dans la bonne direction.
  • Ambitieux : Il doit être également suffisamment ambitieux pour représenter un défi. En clair il ne doit pas pas être trop simple à atteindre, sinon ce n’est pas assez motivant pour passer à l’action.
  • Réaliste : mais il ne doit pas non plus être trop irréaliste. Autrement c’est l’inverse qui se produit et on ne passe jamais à l’action (car à quoi bon bosser, si on sait d’avance qu’on n’atteindra jamais notre objectif).
  • Temporel : Enfin il doit posséder une date butoir. Autrement on prend le risque de repousser encore et encore son exécution. Le fameux “je commence demain, promis”.

Quand on analyse la lettre de Bruce Lee, on constate qu’elle coche toutes les cases d’un objectif SMART. Tous les critères sont bien là.

  • Spécifique : devenir la première star asiatique la mieux payée d’Hollywood, c’est très spécifique.
  • Mesurable : 10 millions de dollars c’est bien, ça permet de compter les billets.
  • Ambitieux : avouez qu’on peut faire difficilement plus ambitieux.
  • Réaliste : ça peut sembler irréalisable, mais il faut savoir que Bruce Lee travaillait déjà à Hollywood à ce moment là. Il apparaissait régulièrement dans des séries (dont le Frelon Vert dans laquelle il tenait le second rôle) et fréquentait tout le gratin d’Hollywood à qui il donnait des cours de Kung Fu, comme Steve McQueen ou Roman Polanski. Donc de son point de vu, percer à Hollywood ce n’est pas si irréaliste que ça.
  • Temporel : et bien entendu il se fixe dix ans pour y parvenir (spoiler : il lui faudra seulement quatre ans).

Conclusion : prenez un papier et un crayon, fixez vous des objectifs SMART puis écrivez une lettre à vous même. C’est le succès assuré ! La preuve, ça a fonctionné pour Bruce Lee !

C’est grosso modo cette analyse qu’on retrouve dans tous les articles qui parlent de cette fameuse lettre. Pourtant, je connais des centaines de personnes (dont moi) qui se sont fixées des objectifs SMART dans leur vie sans que le succès soit au rendez-vous. Je suppose que c’est aussi votre cas. La raison de ce manque d’efficacité des objectifs SMART est simple : ça ressemble surtout à une lettre au Père Noël.

Cher Père Noël,

Cette année à Noël j’aimerai avoir un million d’euros et être célèbre s’il te plaît. En échange je serai très sage. Promis ! Bisous.

Bruce Lee.

A mes yeux il n’y a pas de différences.

Bruce Lee lui même ne croyait pas tant que ça dans les objectifs. Surprenant pour un mec qui a rédigé tout une lettre avec des objectifs ultra précis. C’est parce que pour lui les objectifs sont surtout là pour nous inspirer. Nous donner une direction à suivre. Mais il ne sont pas forcément faits pour être atteints.

Un objectif n’est pas toujours fait pour être atteint. Il sert souvent à indiquer une direction.

Bruce Lee

Mais si le secret derrière cette lettre ce ne sont pas des objectifs SMART, alors c’est quoi ?

Le passage à l’action, mais pas que.

Arnold Schwarzenegger est encore un adolescent le jour où il prend la décision la plus importante de sa vie : il sera riche et célèbre.

C’est pas bien différent des adolescents d’aujourd’hui, mais la stratégie en revanche est un peu plus originale. A 14 ans il décide d’imiter le parcours de Reg Park : celui-ci fut d’abord champion de bodybuilding, ce qui lui a permis de jouer dans quelques films au cinéma, pour enfin finir businessman. Avance rapide jusqu’à aujourd’hui : Arnold Schwarzenegger fut champion de bodybuilding (plusieurs fois), une des plus grandes stars d’Hollywood et businessman. Il est même devenu gouverneur de Californie au passage. Juste comme ça. C’est cadeau.

Et tout comme Bruce Lee, le magazine TIME fera de lui une des 100 personnalités les plus influentes au monde. Pas mal pour un gamin né dans la pauvreté de l’Autriche d’après-guerre et qui se prenait des coups de ceintures par son père, n’est-ce pas ?

Par contre à la différence de Bruce Lee il n’a jamais écrit de lettre au Père Noël pour atteindre ses objectifs. Et contrairement à Bruce Lee qui fréquentait déjà le gratin d’Hollywood, lui partait de zéro lorsqu’il est arrivé sur place. Mais il ont tout les deux un point commun que tous les analystes de la lettre de Bruce Lee oublient de mentionner : ils étaient accro au passage à l’action. De ouf. De vrais camés.

Schwarzenegger était déjà riche avant de percer à Hollywood. Il avait fait carrière dans l’immobilier. La journée il gérait sa boîte, le soir il se gonflait les muscles à la salle de sport. Comme il le dira lui même, il adorait ça. Parce qu’il avait l’impression que chaque exercice de musculation était comme un pas supplémentaire vers son objectif. Donc contrairement à moi qui lutte intérieurement pour ne pas faire de sport, lui attendait chaque entraînement avec une extrême impatience. Parce que chaque entraînement le rapprochait de ses objectifs.

Bruce Lee lui même passait ses journées à s’entraîner du matin au soir. Chaque minute de son emploi du temps était dédié à l’entraînement de son corps, ou de son esprit. D’après sa femme, il profitait même des soirées devant la télé pour faire ses étirements tout en regardant le film. Il suffit de regarder son emploi du temps quotidien : il file le tournis tellement il bossait.

On peut se fixer tous les meilleurs objectifs du monde, du plus ambitieux au plus modeste, du plus inspirant au plus humble, si on ne passe jamais à l’action ça ne sert pas à grand chose. Les meilleurs objectifs ne sont pas immunisés à la procrastination. L’ambition et les rêves sont même les premières victimes du “promis je le fais demain”. Comme le dira Sénèque “en suivant le chemin qui s’appelle Plus tard on arrive sur la place qui s’appelle jamais”.

Finalement un objectif SMART ce n’est qu’un vœux pieux qu’on ne réalise qu’en passant à l’action comme si notre vie en dépendait. Ce qui est plus ou moins le cas puisque ce sont les petites actions répétées tous les jours qui finissent par s’accumuler et nous permettent de créer la vie que l’on souhaite.

Mais même ça c’est pas encore suffisant.

L’émotion ultime.

Napoleon Hill est un des plus célèbres auteur de développement personnel.

Sa philosophie était la suivante : « Tout ce que l’esprit de l’homme peut concevoir et croire, il peut l’accomplir ». L’exercice de la lettre ce n’est finalement qu’une mise en pratique de cette philosophie. Même si Napoleon Hill est également un des plus grands escrocs de son époque [2], il n’avait pas tord sur un point : tout ce que l’esprit humain peut concevoir, l’être humain peut l’accomplir. Même une horloge cassée donne la bonne heure au moins deux fois par jour après tout.

C’est un principe dont Bruce Lee était également persuadé, comme il le dira régulièrement. Dans une lettre écrite en 1962, il écrira :

Il y a deux façons pour avoir une belle vie. La première, et l’autre, sont le résultat de l’imagination (ce qui requiert du travail aussi, évidemment). […] Les gens vont sans doute dire que je ne pense qu’au succès. Mais ce n’est pas le cas. Tu vois, ma volonté d’agir vient de la certitude que JE PEUX le faire. Je suis simplement moi-même, parce qu’il n’y a aucun doute dans mon esprit.

Extrait d’un lettre de Bruce Lee

Passer à l’action c’est bien. Avoir confiance en ses actions c’est mieux.

Plus d’une fois je me suis retrouvé dans une situation où, par manque de confiance, je repoussais telle ou telle action. Je repoussais la date de lancement d’une formation, je repoussais la date de prospection de clients. Je repoussais le coup de téléphone important. Le manque de confiance en soi, ou plutôt dans le résultat de ses actions, est une source avérée de procrastination.

On repousse une tâche parce qu’on a peur de se planter. Ou des remarques des autres. Nous sommes tellement peu habitué à côtoyer la confiance en soi qu’il nous arrive souvent de la confondre avec de l’arrogance.

Le secret de la réussite de Bruce Lee ou Arnold Schwarzenegger, ce n’est pas seulement leur travail acharné. On connait tous au moins une personne qui travaille à s’en casser le dos sans pour autant connaître gloire et fortune. Mon grand-père a travaillé du lundi au dimanche toute sa vie, il n’est pas mort les poches pleines de billets. Une partie de leur succès tient surtout dans leur immense confiance en eux. A la limite de l’arrogance.

Quand tu fais tomber un caillou dans une rivière, le caillou provoque une série d’ondulations qui deviennent de plus en plus grandes en avançant. C’est exactement ce qui va arriver lorsque je vais créer un plan d’action pour réaliser mes idées. Actuellement je peux projeter mes pensées dans le futur.

Je rêve (souviens toi qu’un rêveur pragmatique n’abandonne jamais). J’ai peut être pas grand chose pour l’instant hormis un sous-sol, mais une fois que mon imagination s’emballe, je peux voir dans mon esprit le tableau d’un grand club de Kung Fu, avec des franchises partout aux Etats-Unis. Je ne me décourage pas facilement, je me visualise surmonter tous les obstacles, essuyer tous les revers et réaliser des objectifs impossibles.

Extrait d’une lettre de Bruce Lee

La confiance en soi et en sa capacité à réussir, c’est le cœur de tout. La force qui nous permet de passer à l’action. Dans son livre Atomic Habits, James Clear démontre que toute action est précédée par une émotion. Si on veut adopter des bonnes habitudes qui durent dans le temps, on doit d’abord “changer de personnalité”. Par exemple si je veux faire plus de sport, je n’y arriverai jamais si je continue de me dire que je déteste faire du sport. Alors que si je change mon rapport au sport en me disant “j’aime faire du sport”, ce sera plus simple. Nos émotions précèdent nos actions.

Une anecdote de Schwarzenegger illustre très bien ce principe. Lorsqu’il effectuait son service militaire, il quitta le camp en secret pour participer à une compétition de bodybuilding. Qu’il a bien entendu gagné. Jamais de la vie j’aurai fait ça à sa place. Mais ça ne lui posait aucun problème. Parce qu’il avait l’absolue certitude de réussir. Tu ne prends pas le risque de te faire pourrir par tes supérieurs si tu n’est pas persuadé que ça vaut le coup.

Le manque de confiance en soi est paralysant. On a une vision. Un objectif SMART. Mais on doute de notre réussite. Alors on procrastine. C’est le manque de confiance qui nous pousse à procrastiner dans tous les aspects de notre vie. On a peur d’avouer à une personne qu’elle nous plaît, alors on ne le fait pas. On a peur de se faire rembarrer par un prospect, alors on ne prospecte pas. On a peur des “qu’en dira-t-on” alors on ne fait rien.

Mais quand on ne doute de rien, surtout pas de soi, : on fonce tête baissée.

La véritable importance de cette lettre

Cette lettre nous permet d’apprendre beaucoup de choses sur ce qui peut faire la réussite ou non d’une personne. Mais contrairement à beaucoup d’articles que j’ai pu lire ici et là, se fixer des objectifs SMART c’est clairement pas la leçon la plus importante qu’on peut en retirer.

Ce n’est pas la lettre d’un fin stratège qui avait déroulé un plan parfait. C’est la lettre d’une personne qui avait une confiance en elle-même absolue.


Notes de bas de page

[1] L’une d’entre elles s’est vendu aux enchères pour plusieurs milliers d’euros. On apprend dans celle-ci que l’acteur souffrait d’une addiction à la cocaïne.

[2] Pas étonnant que le dev perso ait mauvaise presse. Visiblement c’est une réputation qui ne date pas d’hier.

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