
Bruce Lee décède le 20 juillet 1973.
Aux Etats-Unis, il n’est pas encore la super star qu’on connaît aujourd’hui. Il a déjà tourné dans de nombreuses séries, comme le Frelon Vert ou Batman, quelques rôles de figurants ici et là dans des films hollywoodiens. En revanche il crève l’écran en Asie, à sa plus grande surprise.
Lui qui rêvait d’être une star hollywoodienne, il ignore que c’est déjà le cas, mais à Hong-Kong. Là-bas il va enchaîner les films qui feront de lui une super star : Big Boss, La Fureur de vaincre ou encore La Fureur du Dragon (mon préféré). Mais tout ça ne le détourne pas de ses ambitions hollywoodienne. Surtout que sa carrière commence enfin à décoller là-bas. Donc lorsque Warner Bros lui propose le rôle principal dans leur prochain film à gros budget, il saute sur l’occasion.
C’est ce film, Opération Dragon, qui fera de lui la super star Hollywoodienne qu’il a toujours souhaité être [1]. Aujourd’hui le film est considéré comme le plus grand film d’art martiaux de tous les temps. En 2004 Opération Dragon est même sélectionné pour être conservé au National Film Registry en raison de son importance culturelle et historique.
Malheureusement le film sort au cinéma un mois après son décès.
Son rêve s’est réalisé, mais pas de son vivant.
Ce que Bruce Lee ignore, c’est qu’il a créé deux genres à lui tout seul : le film d’art martiaux.
Et la Bruceploitation.
La Fureur du dragon
Gamin je voulais être comme Bruce Lee.
J’ai grandi en regardant ses films en boucle. Avec Dragon Ball Z, c’est ce qui m’a poussé vers les cours de Karaté. Aujourd’hui encore, on peut interroger n’importe quel gamin ou adulte dans un club d’art martiaux et il aura forcément le nom de Bruce Lee sur les lèvres.
Lorsqu’on se lance dans l’entrepreneuriat ou la création de contenu, que ce soit en solo ou non, on cherche toujours à se démarquer. Sortir du lot. Etre sur toutes les lèvres. De la même façon que dans l’inconscient collectif “film d’art martiaux = Bruce Lee”, on aimerait bien que dans l’esprit des gens notre thématique = nous. C’est ce qu’a réussi à faire Apple. Dans l’esprit du grand publique “tablette numérique = Apple”.
Le premier rôle de Bruce Lee était celui de Kato dans la série Le Frelon Vert. En gros il avait un rôle équivalent à celui de Robin pour Batman. Le réalisateur de l’époque insistait pour que Bruce se batte “à l’américaine”, mais il refusa et préféra se battre à sa façon. C’est comme ça qu’il fit découvrir les arts martiaux aux spectateurs américains. Les caméras de l’époque n’étaient pas habituées à des mouvements aussi rapides, ce qui l’obligea à ralentir ses gestes. Après ça il s’est rapidement fait un nom dans le milieu du cinéma en devenant le professeur particulier de nombreuses personnalités comme Steve McQueen, Roman Polanski ou encore James Coburn.
A lui tout seul, Bruce Lee créa le genre du film d’art martiaux à Hollywood. Il était aussi une des premières personnalités à jouer de son image. Quand on regarde ses interviews de l’époque, c’est impossible de faire la différence entre Bruce Lee l’acteur et Bruce Lee le héros de film d’action.
S’il était vivant aujourd’hui, je suis absolument persuadé que Bruce Lee serait un créateur de contenus. Il aurait sa chaîne YouTube, son blog ou son podcast, dans lequel il partagerait sa vision des arts martiaux. De son vivant il écrivait déjà des livres sur sa méthode, alors des vidéos ou des podcast c’est pas bien différent. Ca ne fait aucun doute que dans la masse des créateurs il aurait réussi à se démarquer en utilisant la même stratégie qu’à l’époque.
Aujourd’hui encore, Bruce Lee est tellement iconique qu’on a immédiatement en tête sa façon de parler, sa façon de se battre ou encore son look. Impossible de confondre Bruce Lee avec un autre acteur ou un autre personnage. A tel point qu’on trouve des parodies ou des hommages partout dans la culture populaire : dans les jeux vidéos, les bandes dessinés ou au cinéma. La boucle est bouclée.
Après sa mort, il était devenu tellement populaire qu’il s’est passé un phénomène amusant : des milliers de clones de Bruce Lee ont commencé à apparaître partout au cinéma.
C’est même devenu un genre : on appelait ça la Bruceploitation.
Bruce Lee vs Bruce Less
J’ai rarement entendu parler d’un acteur ou d’une personnalité capable de faire vendre à ce point, ou de susciter autant l’imaginaire. Sa célèbre combinaison jaune qui rappelle une tenue de super héros, sa façon de se battre à 10 contre 1, le fait qu’il devait ralentir ses mouvements pour que les caméras puissent le filmer. Tout ça fait partie de son personnage.
Tous les gamins voulaient être le nouveau Bruce Lee. Même les acteurs voulaient être le nouveau Bruce Lee. Alors les producteurs hollywoodiens ont eu une idée : l’inventer.
C’est comme ça que naît la Bruceploitation.

Des milliers de films, tous plus mauvais les uns que les autres, essayant de surfer sur le succès de l’acteur. Des films tournés le plus rapidement possible, avec des sosies embauchés par les studios. Des sosies plus ou moins ressemblants avec des noms comme Bruce Li, Bruce Lei, Dragon Lee ou Bruce Ly.
On est pas loin des sosies de Johnny Hallyday comme Johnny Vegas ou Johnny Rock.
Arrive alors Jackie Chan.
A lui tout seul l’acteur mit fin à la Bruceploitation.
Jackie Chan vs les clones de Bruce Lee
Il y a cinq ans en arrière, la création de contenu c’était un truc de niche.
Seuls les plus courageux créaient du contenu avant de le balancer en ligne. Maintenant c’est devenu la norme. C’est presque un passage obligé si on souhaite se faire connaître et gagner en visibilité. Ne pas avoir de présence en ligne c’est être quasiment invisible.
Dans le film de Pixar, Les Indestructibles, le méchant souhaite détruire les super héros d’une façon astucieuse : il veut donner des pouvoirs à toute la population. Parce que quand tout le monde est super, plus personne ne l’est. C’est pareil avec la création de contenu : quand tout le monde créé du contenu, créer du contenu n’a plus rien d’original. Non seulement nous sommes tous sur le même pied d’égalité aujourd’hui, mais en plus de ça il y a tellement de créateurs de contenus qu’on se noie dans la masse. Comment faire pour se démarquer ?
C’est la même question que s’est posé Jackie Chan à l’époque : comment faire pour être le nouveau Bruce Lee ?
- Est-ce qu’il faut être plus souple que lui ?
- Plus musclé que lui ?
- Plus rapide que lui ?
Si on voit Bruce Lee comme un créateur de contenus, on pourrait remplacer ces questions par :
- Est-ce qu’il faut publier plus de contenu ? Tous les jours ?
- Est-ce qu’il faut être sur un ou tous les réseaux à la fois ?
En dehors d’être un simple acteur, Bruce Lee avait dédié sa vie aux arts martiaux comme peu de personnes avant lui. Il s’entraînait du matin au soir, 7 jours sur 7. Il combinait aussi la pratique à la théorie puisque tout le temps qu’il ne passait pas à s’entraîner il le passait à lire et étudier les autres sports de combats, la musculation, le fonctionnement du corps humain ou même la philosophie. Tout ça pour dépasser ses propres limites et devenir le meilleur.
A moins de suivre exactement le même entraînement, il faut admettre que peu de personnes peuvent rivaliser avec un tel dévouement. Espérer devenir meilleur que Bruce Lee, c’est illusoire. On peut seulement se résigner à être un clone de plus.
Jackie Chan aurait très facilement pu être un clone de plus. C’est même ce qu’on lui a proposé. Mais il refusa pour une simple raison : il ne voulait pas être le nouveau Bruce Lee. Il voulait être le premier Jackie Chan. Soyez vous même, les autres sont déjà pris comme le disait Oscar Wilde.
N’empêche que ça ne répond pas à la question : comment on fait pour se démarquer d’un être humain qui ressemble quasiment à un super héros dans l’inconscient collectif ? Comment on fait pour que notre contenu soit visible dans la masse ?
Jackie Chan opta pour une solution simple : exploiter son monopole personnel.
Le monopole personnel de Jackie Chan
Aujourd’hui on connaît tous Jackie Chan pour ses combats pendant lesquels il jongle avec les objets et ses adversaires. Ce sont presque des numéros de cirque. Son style de combat était tellement différent que c’est maintenant lui qui est imité. Pendant une période on a vu au cinéma plein de combats durant lesquels les combattants utilisent des objets pour se battre, exactement comme le faisait Jackie Chan.
Enfant, Jackie Chan est formé à l’école de l’Opéra de Pékin. C’est là que pendant dix ans il y apprend l’art de la chorégraphie, les arts martiaux et les acrobaties.
En 1976, le temps d’un film, il essaye malgré tout d’être un sosie de Bruce Lee. Le film est un échec. Il a du mal avec le rôle et la façon de combattre de Bruce Lee. Ca ne lui convient pas. C’est très bien pour Bruce, pas pour Jackie.
Quelques années plus tard on lui propose un autre rôle. Cette fois il a carte blanche. Il décide donc de faire ce qu’il sait faire de mieux : des art martiaux, la comédie et des acrobaties. Ce qu’il a passé dix ans à apprendre. C’est un carton absolu.
Jackie Chan n’a pas cherché à être “plus ceci ou plus cela” que Bruce Lee.
Il a fait en sorte d’être différent.
Suffisamment différent pour qu’on ne puisse ni les confondre, ni les comparer.
Le secret ce n’est pas d’être le meilleur, c’est d’être différent
Plutôt que chercher à vous démarquer sur les réseaux sociaux en créant toujours plus de contenus, demandez vous comment vous pouvez vous démarquer en étant radicalement différent. Qu’est-ce qui pourrait vous distinguer suffisamment des autres créateurs ? Jackie Chan n’a pas cherché à être un meilleur Bruce Lee. Il a préféré être le meilleur Jackie Chan. Il a utilisé ce qu’on nomme un monopole personnel.
Le blogueur David Perrel définit le monopole personnel ainsi : c’est l’interaction unique entre vos compétences, votre personnalité et vos connaissances. C’est l’assurance que personne ne pourra vous copier [2].
Le monopole personnel de Bruce Lee pouvait se définir ainsi : art martiaux, philosophie, cinéma et l’obsession (Bruce Lee était complètement obsédé par l’idée de réussir et d’être le meilleur, on ne s’entraîne pas 8h par jour tous les jours sans être un minimum obsédé).
Celui de Jackie Chan serait : art martiaux, acrobatie, cinéma et humour.
On voit bien qu’ils partagent tous les deux le goût pour le cinéma et un talent certain pour les art martiaux. En revanche, là où Jackie Chan se distingue de Bruce Lee, c’est dans sa capacité à jouer les acrobates et son sens de l’humour. Si on mélange le tout : bingo. Le résultat sur le public sera immédiat et tout le monde parle à l’époque d’un “vent de fraicheur”.
Les monopoles personnels de l’un et l’autre sont tellement différent, tellement…. personnels, que lorsque Jackie Chan a essayé d’imiter Bruce Lee le temps d’un film au début de sa carrière, le film est un bide énorme. Dans le même temps, si je vous demande d’imaginer Bruce Lee se battre comme Jackie Chan vous risquez d’avoir du mal.
La fureur de vaincre
Lorsque Bruce Lee est arrivé au cinéma, on avait jamais vu quelqu’un se battre ainsi.
Lorsque Jackie Chan est arrivé au cinéma, on avait jamais vu quelqu’un se battre ainsi.
Quand j’étais gamin un de mes dessins animés préféré était la série Jackie Chan. Un dessin animé dans lequel Jackie Chan lui même parcours le monde pour récupérer des talismans magiques et sauver le monde. Comme Bruce Lee, il est lui aussi devenu une sorte de super héros dans l’inconscient collectif.
Est-ce que l’un est meilleur que l’autre ? Je ne pense pas.
Mais les deux sont radicalement différents.
Et célèbres pour leurs différences.
Notes de bas de page

Doublez votre productivité en prenant soin de votre santé
Tous les vendredis je partage dans ma newsletter des conseils, des ressources et des analyses pour vous aider à travailler moins mais mieux, sans culpabiliser !
Si vous souhaitez recevoir mes conseils il suffit de cliquer sur le bouton juste en dessous.
Un avis sur « Comment Jackie Chan a éliminé les clones de Bruce Lee : le secret pour devenir unique »